mardi 22 mai 2012


Plus d’un an après la chute d’Hosni Moubarak, les Égyptiens se rendent aux urnes mercredi et jeudi pour désigner son successeur à la tête de l’Égypte. Un scrutin déterminant pour l’avenir politique de la révolution.

Par Alexandra RENARD / Gallagher FENWICK / Matthieu MABIN (vidéo)
Charlotte OBERTI (texte)
 
Le brouhaha de la campagne électorale égyptienne a laissé place, lundi 21 mai, au silence médiatique et politique imposé par la loi les deux jours précédant le premier tour de l’élection présidentielle, prévu les 23 et 24 mai prochains. Cette élection - la première depuis la chute du président Hosni Moubarak en février 2011, après trente années passées au pouvoir - est historique, tandis qu’un vent de contestation souffle toujours sur la place Tahrir.
Après la disqualification d’une dizaine de candidats par la commission électorale, douze personnalités restent officiellement en lice pour la magistrature suprême. D’après les sondages, quatre d’entre elles se trouvent dans le peloton de tête. À ce jour, sont donnés favoris Amr Moussa, ancien responsable de la Ligue arabe, considéré comme un reliquat de l’ère Moubarak pour en avoir été l'un de ses ministres des Affaires étrangères, et Abdel Moneim Aboul Foutouh, ex-membre des Frères musulmans, qui se présente comme un potentiel rassembleur des islamistes et libéraux. Tous deux se sont vivement affrontés le 10 mai dernier au cours du premier débat télévisé organisé dans le pays. Outre ces deux hommes, Ahmed Chafik, ancien commandant en chef des forces aériennes et rescapé de l’ancien régime, est lui aussi candidat. Quant aux influents Frères musulmans, ils sont finalement entrés dans la course, après avoir annoncé qu’ils n’y participeraient pas, en se ralliant derrière la candidature de Mohammed Morsi, leader du Parti de la liberté et de la justice (PLD).


La stratégie trouble des Frères musulmans
LE CANDIDAT DES FRÈRES MUSULMANS EN TÊTE DU VOTE DES EXPATRIÉS ÉGYPTIENS
Le candidat des Frères musulmans, Mohammed Morsi, est arrivé largement en tête du vote des expatriés, invités à voter dans 33 pays, grâce au soutien massif de la communauté égyptienne en Arabie saoudite, selon les premiers résultats publiés lundi.

M. Morsi a recueilli 106 252 voix, devançant largement l'islamiste modéré Abdel Moneim Aboul Foutouh, qui a obtenu 77 499 suffrages.

Le nationaliste arabe Hamdeen Sabbahi est arrivé en troisième position avec 44 727 voix devant l'ancien chef de la diplomatie Amr Moussa et le dernier Premier ministre de Hosni Moubarak, Ahmad Chafiq.
Acteurs phare de la politique égyptienne, les Frères musulmans ont usé d’une stratégie électorale considérée comme douteuse par de nombreux Égyptiens. Alors que leur formation politique, le Parti de la justice et de la liberté (PLJ), a remporté haut la main les législatives en janvier dernier, les dirigeants du parti ont, dans un premier temps, annoncé ne pas vouloir présenter de candidat à la présidentielle. Une déclaration d’intention qui a cependant volé en éclat dès l’annonce de la candidature de Mohammed Morsi, adoubé par la confrérie. Selon les Frères musulmans, ce soudain changement de cap a été décidé pour contrer les candidatures de plusieurs apparatchiks de l’ancien régime.
Une explication hypocrite, selon Karim el-Chazli, président de l’association des étudiants égyptiens en France. "Les Frères musulmans sont au Parlement depuis fin janvier, ils n’ont pas réalisé de grands exploits, et se sont même illustrés par un comportement assez immature," analyse le jeune homme, fin connaisseur de la politique égyptienne, joint au téléphone par FRANCE 24. "Ils ont, par exemple, refusé de voter la loi sur l’exclusion des anciens membres du régime. Ce sont des réformateurs, plutôt que des révolutionnaires", estime-t-il.
Une nuance qui n’échappe pas aux manifestants égyptiens, en rébellion contre le pouvoir pris en main par l’armée après la chute d’Hosni Moubarak. Selon eux, la révolution de février 2011 n’est pas allée assez loin. La nouvelle Constitution notamment, promise par les militaires après les manifestations massives sur la place Tahrir, est restée à l’état de friche. "En Égypte, la période de transition commencera lorsqu’il y aura un candidat pro-révolution à la tête de l’État", commente Karim el-Chazli, avant de préciser : "La position que l’on peut voir dans la rue place Tahrir ne reflète pas forcément l’opinion publique égyptienne."

Des électeurs indécis

À quelques heures du scrutin, difficile d’ailleurs de chiffrer précisément les intentions de vote. Dans ce climat pré-électoral confus, les chiffres issus des différents sondages politiques – ils sont autorisés pour la première fois dans le pays -, peuvent varier du simple au double. Outre un indéniable manque d’expérience dans le domaine, les instituts de sondage souffrent de la propension des personnes interrogées à ne pas exprimer leurs réelles opinions, selon M. el-Chazli.
Par ailleurs, après trente années d’une vie politique verrouillée par le régime, l’électorat reste méfiant à l’égard des représentants politiques. "Il y a des zones d’ombre autour de plusieurs candidats, notamment Aboul Foutouh ou Ahmed Chafik, poursuit le président des étudiants égyptiens de France, les électeurs ne savent pas vraiment qui ils sont."
Une méfiance à laquelle s’ajoute une grande indécision : selon plusieurs sondages, 40 % des quelque 50 millions d’électeurs ne savent pas pour qui voter. Une hésitation symptomatique d’un manque de convictions politiques, selon Karim el-Chazli. "Jusqu’à présent, les Egyptiens n’étaient pas réellement sensibilisés à la politique, ils ne se sont jamais positionnés à gauche ou à droite. Les intentions de vote peuvent changer au dernier moment".
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